Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Yê hasra ! (La nostalgie est PLUS ce qu'elle était)
Archives
18 août 2010

La « période italienne » à Sfax jusqu'à la guerre

La communauté italienne à Sfax est une des plus anciennes et s'y trouvait déjà avant le Protectorat. Elle exerçait de nombreuses activités aussi bien dans le domaine de la construction, de la pêche, de l'artisanat, du commerce, que dans le domaine intellectuel.

L'activité intellectuelle de cette communauté tournait autour de l'Ecole Italienne, la Société Sportive "La Caprera", sans oublier le Consulat d'Italie, et autres associations d'entraide, comme "Dopo Lavoro", et "Dante Alighieri".

L’Ecole Italienne occupait une grande bâtisse, rue Massicault. Elle recevait des enfants depuis leur premier âge, même avant 4 ans. L'éducation y était différente de celle des écoles françaises où la laïcité dominait, alors qu'à l'Ecole Italienne, l'aspect religieux n'était pas négligé, bien au contraire (il y avait une grande croix dans chaque classe)

Les instituteurs venaient pour la plupart d'Italie, et les institutrices, des rangs de l'école des Soeurs de la Place Lavigerie. Cette école était réputée pour son degré d'instruction supérieur et, pour cette raison, était fréquentée même par des non-italiens et des non-catholiques.

Le soir, il y avait des cours d'italien, suivis par des élèves adultes de toute origine. Nous étions nombreux à suivre ces cours ; tout y était gratuit : cahiers, crayons, livres, etc.

Lors de la guerre de l'Italie contre l'Abyssinie, en 1936, on inscrivit sur la façade de l'Ecole Italienne le nom "Addis-Abeba". Cette guerre provoqua le départ de plusieurs jeunes Italiens, qui s'engagèrent dans l'armée italienne.

A noter, pour la moralité, que quelques années plus tard, l'inscription "Addis-Abeba" changea, je ne sais comment, en "Addio-Abeba ".

Attenant à l'Ecole Italienne, il y avait un grand terrain de sport avec tous les agrès et autres instruments de gymnastique. Dans les années 1930-35, nous y allions aussi l'après-midi, et, sous la direction de Xavier Scotto, nous nous exercions à grimper à la corde, et à des mouvements à la barre fixe et aux barres parallèles.

"La Caprera" était une société sportive italienne qui avait plusieurs branches : athlétisme et surtout football. On surnommait l'équipe de foot les "azzuri". Sur le stade de la "Sfaxienne" (bien avant le stade du Jardin public) se déroulaient des matches entre la "Caprera" et le "Club Tunisien", ou le "Sion-Club", qui souvent se terminaient par des bagarres 

Quand le miracle arrivait, et que la "Caprera" gagnait, c'était un défilé victorieux dans les rues avoisinantes, surtout à Picville, avec accompagnement bruyant sur des bidons vides, casseroles et autres "instruments", au milieu d'une foule enflammée. Une fois par an, la communauté italienne, avec le concours de la "Caprera" et autres groupements, organisait une grande fête : "La Beftana", où il y avait, après des défilés en ville et exhibition de jeunes sportifs en chemises noires, des discours et autres manifestations artistiques et sportives, qui attiraient une assistance très nombreuse.

J'aurai garde d'oublier, dans ce tour d'horizon italien, la part de la presse en langue italienne: le quotidien paraissant à Tunis "l'Unione", les grands journaux d'Italie, comme "L'Osservatore romano", "Corriera della Serra", et autres.

A la vieille souche italienne venaient s'ajouter, de temps en temps, de nouveaux immigrants, car en ces "temps paisibles", il n'y avait pas de problèmes majeurs, ni de formalités pour ceux qui venaient s'installer dans le pays. Je me rappelle les familles Beltrano, Alfano, Genovese, Ghiggino...

En juin 1940, après la défaite de la France et le "temps" que l'Italie fasciste prit pour faire croire à sa part dans la victoire, une vague d'allégresse passa dans la communauté italienne, avec l’espoir de voir la Tunisie passer entre les mains de l'Italie, en même temps que Nice. Mais ce ne fut que feu de paille, et tout rentra dans l'ordre à la Libération.

Au cours des années d'après-guerre, une grande partie de l'ex-communauté italienne choisit la nationalité française, et émigra, lors de !'Indépendance de la Tunisie, vers la France, tandis que quelques autres, et selon les fluctuations des événements, restèrent fidèles à leurs·origines et rentrèrent en Italie.

Bien qu'on ait dit que le Gouvernement fasciste de Mussolini était antisémite, je ne me souviens pas de mesures répressives envers les Juifs de Sfax. Il faut signaler que les Présidents de la Communauté italienne, particulièrement de "La Caprera ", par exemple, étaient israélites : Aurelio Darmon, puis Arturo Boccara. Une importante société de navigation italienne était dirigée par Nessim Saada.

Il se peut qu'un certain mouvement anti-juif vit le jour, vers le début des années 40, mais en grande partie sur le papier seulement.

Ce que je ne peux oublier, c'est l'attitude et le comportement humain et presque amical des soldats italiens, envers la population juive, contrairement à ceux de leurs alliés allemands.



Moïse BOUHNIK (Ashkelon, Israël)

(Publié dans la "Diaspora sfaxienne")

 

Publicité
Commentaires
N
J'ai juste oublier de préciser le nom de famille CHARASSE et GRESHON.
N
Je suis née à Sfax en1949, mon papa travaillait aux Chemins de Fer et mon grand-père à l'équivalent de EDF, il etait maltais. J'ai habité Route de Knefes, Pic ville, Moulin ville et le quartier Compensation. Nous sommes rentrés me semble t-il en 1959, j'avais 10 ans. Si quelqu'un m'a côtoyé là-bas, qu'il se manifeste, merci.
P
Ma mère a fréquenté l'école italienne à Sfax... elle était l'une des filles "MIGUES" coiffeur à Sfax mais le vrai nom de famille était BOUNI ... je crois savoir que ma grand mère ou arrière grand-mère étaient des BOUHNIK
Derniers commentaires
Publicité
Newsletter
Yê hasra ! (La nostalgie est PLUS ce qu'elle était)
Publicité